Les papillons de nuits : comment se défendre face aux prédateurs ?

Sphinx de l'Epilobe

On classe généralement les papillons dans deux grands groupes : les papillons de nuit et les papillons de jour. On peut aussi nommer ces derniers « Rhopalocères », ce qui signifie « antennes en forme de massues ». Ceux-ci sont exclusivement diurnes, c’est-à-dire actifs le jour. Vous pouvez souvent les observer butiner les fleurs de votre jardin au beau milieu de la journée.

Mais aujourd’hui, nous allons nous intéresser à l’autre groupe de papillons : les papillons de nuit. On les appelle aussi « Hétérocères », ce qui peut se traduire par « antennes différentes », du fait de leur diversité de forme d’antennes. Contrairement à ce que laisse penser leur nom, ces derniers ne sont pas tous exclusivement nocturnes (actifs la nuit). Certaines espèces préfèrent être actives le jour, d’autres la nuit et certaines même les deux. Même si souvent plus discrets, ils sont bien plus nombreux que les papillons de jours (Rhopalocères). En France, on compte environ 5000 espèces d’Hétérocères, pour seulement 250 espèces de Rhopalocères. Cette grande diversité se retrouve dans leurs formes, leurs couleurs mais aussi dans leurs stratégies de survie.

Quatre papillons de nuit aux mœurs diurnes

La survie de jour

Ils sont la base d’alimentation de nombreuses espèces d’animaux. Par exemple, lors de leur période de reproduction, au printemps, de nombreux oiseaux comptent sur l’abondance des chenilles en cette période pour nourrir leurs petits. Sans les chenilles, ces espèces serait en grand danger. Les papillons adultes, non épargnés, représentent aussi une grande partie de leur alimentation.

                                                                           Les chenilles, des mets de choix pour les oiseaux!

Mais les papillons ne sont pas dénoués de ressources, au contraire ! Au cours de l’évolution, la pression de prédation a permis de sectionner certains traits avantageux pour leur survie. Pour faire plus simple, les individus naissant avec des caractéristiques qui leur permettaient de moins se faire manger avaient plus de chance de survivre et donc de transmettre ces aspects à leur descendance.

Pour ne pas se faire attraper par des oiseaux, de nombreuses espèces préfèrent se cacher en journée. Pour cela, adultes et chenilles abordent des couleurs leur permettant de se fondre dans le décor, c’est ce qu’on appelle le camouflage. Branches, feuilles, lichens… Il existe presque autant de formes et de couleurs de papillons de nuit que de supports naturels.

D’autres choisissent une stratégie totalement opposée : aborder des couleurs très vives pour faire passer un message : « je suis toxique, ne me mangez pas ». Généralement rouge, orange ou jaune pétant, on appelle ce phénomène l’aposématisme. Si un oiseau se risque à manger un individu toxique abordant des couleurs vives, il va passer un très mauvais moment et va associer ces couleurs à cela. Certaines espèces de « non toxiques » vont tirer avantage de cet apprentissage pour, eux aussi, aborder des couleurs vives alors qu’ils ne représentent pas de danger pour le prédateur. Ce ne sont pas les seuls cas d’imposture chez les papillons : par exemple, de nombreuses espèces vont aborder des ocelles, des cercles qui font penser à des yeux. Par exemple, les Paons de nuit possèdent de gros ocelles sur le dessus des ailes. La vue de ces « yeux » peut effrayer un oiseau qui pense avoir affaire à un rapace nocturne. Chez les chenilles de certains Sphinx, les ocelles font penser à un serpent, ce qui peut aussi perturber de potentiels prédateurs. Le fait d’imiter une autre espèce s’appelle le mimétisme.

La survie de nuit

Les stratégies précédentes sont efficaces sur des prédateurs qui utilisent la vue pour chasser, comme les oiseaux. Mais la nuit, le plus gros danger pour les papillons ce sont les chauves-souris. Et ces mammifères volants utilisent un système d’écholocation. Comme un sonar, l’émission d’ultrasons leur permet de se repérer dans le noir et d’identifier avec une grande précision leurs proies. Mais cela ne leur permet pas de voir les couleurs des papillons ni les motifs de leurs ailes.

Certaines espèces ont alors développé des stratégies adaptées à la survie face à ces prédateurs. Par exemple, de nombreux papillons sont capables d’entendre les ultrasons grâce à un organe tympanique qui va capter les vibrations : c’est le même système que nos oreilles. Cela va leur permettre de réagir quand ils entendent une chauve-souris s’approcher. Ils peuvent ainsi adapter le comportement et piquer vers le sol pour ne pas se faire manger.

Parmi les papillons entendant, certain vont plus loin, en émettant, eux aussi, des ultrasons par frottement. Cela va avoir pour effet de perturber la chauve-souris qui pourrait interpréter ce signal comme un retour d’écho ou la présence d’une congénère. Cela peut conduire à l’abandon de l’attaque. Certains papillons émettent des claquements qui vont servir à prévenir la chauve-souris de leur toxicité. C’est le même principe que d’aborder des couleurs vives pour les prédateurs visuels. Comme cela est lié à l’émission d’un son, on parle alors d’aposématisme sonore.

Tous les papillons de nuit ne sont pas capables d’entendre, certains ont mis en place d’autres types de stratégies pour limiter la rencontre avec les chauves-souris. Les papillons de la famille des Saturnidés sont par exemple simplement trop gros pour faire partie des proies de la plupart des prédateurs nocturnes. D’autres espèces vont adapter leur comportement : en volant moins la nuit, plus proche du sol ou hors des périodes de chasse des chauves-souris. Certains papillons de nuit auraient choisi de privilégier une activité diurne ou hivernale pour éviter ce prédateur.

On retrouve aussi un comportement assez particulier chez certaines espèces qui consiste à sacrifier les mâles au profit de la survie des femelles. Les mâles vont beaucoup bouger durant la nuit en cherchant les femelles qui vont rester assez passives et emmètre des phéromones pour les attirer. Elles vont donc moins se faire manger et avoir plus de chance de pondre des œufs et perpétuer la descendance.

Toutes ces astuces mises en place lors de l’évolution montrent comment l’impact de la prédation peut modifier la morphologie et le comportent des proies. L’inverse est aussi vrai, par exemple, les chauves-souris ont modifié les fréquences de leurs cris pour qu’ils ne soient plus perçus par les papillons. Les écosystèmes sont complexes, en perpétuelle évolution et chaque espèce y a sa place.

Luttons contre la diminution de ces insectes précieux !

Un peu trop gourmand dans la gestion des ressources, l’être humain a tendance à perturber ces écosystèmes. C’est quelque chose que l’on peut remarquer au cours de nos échelles de temps. Vous devez certainement avoir le souvenir de voitures recouvertes de papillons de nuit lors de sorties nocturnes, il y quelques dizaines d’années. Aujourd’hui, elles sont beaucoup plus propres, et cela n’est pas lié à nos nouveaux modèles automobiles, mais à la diminution des effectifs d’insectes. Ce sont des proies en moins pour les oiseaux et chauves-souris et des pollinisateurs en moins pour nos plantes.

Aujourd’hui il est important de prendre conscience de l’impact que l’on a pu avoir et apprendre à mieux cohabiter avec la nature. Chaque personne, à son échelle, peut aider à inverser la tendance. Dans sa consommation par exemple : privilégier des produits provenant de l’agriculture raisonnée permet d’encourager ces pratiques et ainsi limiter la production de pesticides, qui sont une des principales causes de la disparition des papillons. Dans la gestion de son jardin aussi : laisser un carré que l’on tond en fin de saison permet aux papillons et autres insectes de compléter leurs cycles de vie. Planter du végétal local et lutter contre les espèces invasives favorise nos pollinisateurs naturels. On peut aussi limiter la pollution lumineuse en éteignant les lumières extérieures non utilisées qui vont monopoliser l’attention des papillons de nuit.

Les associations locales comme Nature en Périgord sont là pour vous accompagner à favoriser la biodiversité autour de vous ! Leur rôle est aussi de faire découvrir les espèces qui nous entourent : on protège beaucoup mieux ce que l’on connaît. Surveillez leurs calendriers et réseaux sociaux pour ne pas louper les sorties naturalistes dans votre région !

Article : Yoann Croisille

Photos: Didier et Nathalie Verger; Yoann Croisille

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