De surprenants organismes vieux comme le monde!
Où que vous vous promeniez, vous rencontrerez des lichens. L’association symbiotique – à bénéfices réciproques – qui a donné naissance à ces fascinants organismes, est apparue sur Terre il y a probablement quelque 600 millions d’années, alors que les conditions n’étaient guère favorables à la vie – température de 30 °C en moyenne, et surtout pas d’atmosphère, donc pas de protection contre la nocivité des rayons solaires. Deux organismes, un champignon, nommé mycobionte, et une algue – ou une cyanobactérie, c’est-à-dire une bactérie capable de réaliser la photosynthèse –, le phycobionte, se sont associés : de cette union sont nées des propriétés nouvelles, notamment la capacité à coloniser à peu près n’importe quel substrat, et dans une très grande variété de conditions environnementales… y compris parfois celles, recréés en laboratoire, de la planète Mars ! Le mycobionte assure la reproduction sexuée, le phycobionte s’occupe de la photosynthèse. Mais, rien n’étant simple en biologie, des chercheurs viennent de découvrir que la symbiose lichénique, loin de se limiter à deux partenaires, hébergeait de nombreux passagers clandestins : des champignons unicellulaires de type « levure », des espèces appartenant au genre Tremella et bien d’autres champignons appartenant à des groupes variés ont été repérés au sein des lichens, sans que la diversité exacte et le rôle de ces partenaires ne soit encore clairement établis.
De nombreuses espèces dans plusieurs groupes
Il est possible de distinguer, au sein des quelque 20 000 espèces de lichens aujourd’hui décrites, sept grands types morphologiques. Les plus faciles à observer sont :
- les lichens foliacés, formés de lames ou de « feuilles » plus ou moins lobées, se détachent facilement du support : on peut citer le très commun Xanthoria parietina, qui se repère aisément à ses teintes jaune orangé vif ;
- les lichens fruticuleux, en forme de petits buissons plus ou moins ramifiés, dressés ou pendants, souvent fixés sur le substrat en un seul point : citons les usnées, très communes – mais bien souvent délicates à identifier ! – ou encore le très joli Teloschistes chrysophthalmos – chrysophthalmos signifie « aux yeux dorés » –, fréquent sur les arbres fruitiers ;
- les lichens crustacés, impossibles à prélever sans prélever le support lui-même, tels les Lecanora par exemple :
- les lichens complexes, formé de petites écailles ou de petites « feuilles » adhérant au support et d’éléments plus ou moins dressés, cylindriques, ramifiés ou en trompette… Les Cladonia sont un exemple traditionnel de ce type de lichen.
Champignons ou lichens?
Les lichens sont aujourd’hui totalement intégrés à la classification des champignons et l’on parle donc de plus généralement de champignons lichénisés. Deux grands types de champignons forment aujourd’hui ce type d’association :
- Des champignons de type « pézize » – des ascomycètes – et la structure reproductrice ressemble alors généralement à un petit disque : 99 % des lichens sont des « ascolichens » ;
- Des champignons à lames – des basidiomycètes – et la structure qui forme les spores ressemble à n’importe quel autre champignon à lames – on parle de « basiodiolichens ».
Des associations complexes
Environ 40 % des ascomycètes sont lichénisés, et il a été démontré que cette association est apparue plusieurs fois de façon indépendante au cours des temps géologiques. En outre, de nombreux petits ascomycètes non lichénisés actuels ont un ancêtre lichénisé, et ils ont donc perdu la capacité à s’associer avec un partenaire photosynthétique.
La symbiose lichénique chez les basidiomycètes à lames semble en revanche n’être apparue que deux fois (le genre Lichenomphalia le genre monospécifique Semiomphalina). Elle est aussi apparue au moins deux autres fois chez les basidiomycètes, dans les genres Dictyonema et Multiclavula. Certains champignons de type « moisissure » sont aussi lichénisés, comme ceux appartenant aux genres Cystocoleus, Thwaites et Blarneya.
Des indicateurs de la qualité de l’air
Si les champignons lichénisés se sont développés dans tous les milieux, certains sont sensibles à la pollution atmosphérique, notamment celle due au dioxyde de soufre : connaître un peu les lichens, c’est aussi estimer la qualité de l’air ! Plus la pollution atmosphérique augmente, plus les communautés lichéniques s’appauvrissent : de façon schématique disparaissent d’abord les lichens complexes et fruticuleux, puis les lichens foliacés et enfin les lichens crustacés. Dans les zones très polluées, les lichens disparaissent complètement et seules certaines algues aériennes subsistent. Les grands lichens foliacés, comme les Lobaria par exemple, sont non seulement des indicateurs de la qualité de l’air, mais aussi des indicateurs de « continuité écologique » : ils caractérisent un ensemble d’espaces naturels ou semi-naturels, riches et favorables à la biodiversité, liés par des corridors écologiques qui sont des zones de déplacement essentielles à la survie des espèces.
Participez et améliorez vos connaissances
Lichens Go https://saisie.lichensgo.eu/ est un « programme de sciences participatives qui vise à évaluer la qualité de l’air autour de chez vous en étudiant les différentes espèces de lichens qui poussent sur les arbres. » La plateforme, bien conçue, permet de saisir vos données d’inventaire – les espèces ont été choisies pour être aisément identifiables, même par un débutant – et vous donne directement une indication de la qualité de votre air : une façon intéressante de vous initier aux champignons lichénisés !
Article et photos: Guillaume Eyssartier